Depuis plusieurs années, Besner se consacre exclusivement à la peinture dans sa recherche d’une esthétique pour représenter sa vision du monde. Ses tableaux, colorés et émouvants, s’inspirent de ses études en architecture, de ses maîtres à penser en peinture et de ses rencontres au fil des ruelles de Montréal. Ses tableaux témoignent d’un regard insistant et ludique sur le monde qui nous entoure.
Profondément marqué par le ravage des corps, par ce qui du corps s’impose au regard et à la réflexion, Besner crée des personnages qui gardent les traces du passé, qui semblent parfois des ombres d’eux-mêmes, et qui affrontent leur destinée jusqu’au bout. Cette faune fabuleuse, inspirée de certains personnages d’Otto Dix et de Nicolas de Crécy, bédéiste, entre autres, avance peu à peu vers demain, à la manière de l’être humain. Êtres déchirés toujours rongés par l’espoir…
Né en 1965, à North Lancaster en Ontario, Besner a terminé un bac en architecture à l’Université de Montréal en 1992. Sa formation d’architecte, entreprise au Collège Algonquin à Ottawa quelques années avant le bac, lui a permis d’amorcer une réflexion sur la ville et sur ses composantes : son caractère éminemment humain, la tradition dont doit tenir compte toute articulation d’un plan urbain et les éléments nécessaires à sa survie au sein d’un milieu de vie culturel.
Sa fréquentation du milieu universitaire lui a inculqué un regard critique lui permettant de définir sa vision d’un milieu de vie axé sur l’humain, avec une préoccupation pour le passé, le présent et l’avenir. Surtout, cette formation l’a amené à découvrir sa véritable passion, la peinture, et à envisager son métier de façon à transformer son bagage formel en une esthétique picturale de la figure et de l’espace, à travers le regard de l’artiste, soit mi-réaliste, soit mi-fictif.
Besner emploie, pour la création de ses tableaux, une technique mixte sur canevas; il privilégie le pastel à l’huile et sa palette riche en couleurs, ainsi que la peinture acrylique, le mortier de structure, le china marker et la peinture aérosol. À ces matériaux s’ajoutent une technique d’application avec les doigts et le grattage de la toile.
En 1996, Besner rencontre Michael Mensi, de l’agence d’artistes-peintres Mensi & Rioux, qui lui propose de travailler en collaboration avec lui. Depuis 2000, Benoit Beauchamp s’est également joint à l’équipe de Mensi & Rioux, ainsi que Steve Hamel. Grâce à cet engagement, plusieurs événements ont vu le jour, dont l’événement-exposition, La démesure des convoités, le 9 novembre 2004, au Centre CDP Capital (1000, place Jean-Paul-Riopelle à Montréal), et la parution de deux livres de l’artiste : La démesure des convoités. Dominic Besner (2000-2004) et Dominic Besner (1993-2000).
Il serait difficile de faire le dénombrement de toutes leurs collaborations, mais mentionnons également la participation de Besner à l’événement artistique Art of Giving, qui regroupait de nouveaux talents pour une collecte de fonds destinée à des œuvres de charité, organisé par Saatchi Gallery à Londres (Royaume-Uni), au mois d’octobre 2010, sa collaboration à une exposition collective au Museo de Las Artes de l’Universidad de Guadalajara (Mexique), présentée du 29 novembre 2003 au 30 janvier 2004, ainsi que la réalisation par Pierre Bündock et François Arsenault (avec la participation du Cirque du Soleil en partenariat avec Mensi & Rioux) d’un court métrage ― portrait de l’artiste Besner et dévoilement d’une fresque de 92 pieds par 7 pieds, composée de peinture et de vitraux, créée spécialement pour le siège social du Cirque du Soleil ―, intitulé La mécanique des villes, présenté lors du Festival international du film sur l’art (FIFA) en mars 2008.
Ainsi, deux événements parfaitement « démesurés » auréolent leur rencontre.
L’événement-exposition La démesure des convoités (2004), comme l’indique le titre, mettait en scène des objets plus grands que nature ― des visages d’hommes et de bêtes, des animaux, des femmes et même la ville, mère productrice de ces personnages haut en couleur ― par la forme démesurée des tableaux, bien entendu, mais également par le caractère métaphorique du traitement des personnages. Besner ne cherche pas à reproduire un monde réel; ses visages dépassent le figuratif pour suggérer la juxtaposition de plusieurs plans imaginaires, lesquels sont des parties intégrantes du personnage représenté, même lorsque celui-ci n’a qu’un visage pour parler.
Et, Mora (à la fois la femme, la mère et la mort) a été créé en 2010-2011 autour du conte urbain incantatoire du même titre écrit par D. Besner. L’exposition comptait 36 œuvres monumentales de l’artiste-peintre ― tableaux envoûtants d’un temps indéfini ―, et l’événement rassemblait des interprètes de marque de plusieurs disciplines qui, à leur façon singulière, incarnaient les différentes facettes du conte. Y étaient représentés le chant et la musique, la danse, la gymnastique, l’art martial et la vidéo. Artistes et invités étaient conviés à l’univers onirique de Besner et participaient de l’enchantement qui déferlait sur la foule telle une vague démultipliée. Il était une fois… par une belle soirée d’automne, une voix souveraine portée par Diane Dufresne, habillée par Minuit La Mère, qui veillait et hypnotisait…
En novembre 2010, l’exposition solo Hundred Words présentait 30 tableaux cyclopéens, nés de 100 mots (« sans mot ») choisis par l’artiste pour explorer les harmonies/dissonances de la langue et des images. Ainsi était également mis en lumière la relation privilégiée qu’entretient D. Besner avec les deux. Il avait d’abord participé à l’exposition collective Western China International Art Biennale à Yinchuan (Chine), au mois de septembre 2010, et à la prestigieuse Exposition universelle de Shanghai du 1er mai au 31 octobre de la même année. Besner retournera en Chine au mois de novembre 2013 pour présenter une exposition individuelle, intitulée Immortalis, au Musée de Suzhou. Au même moment aura lieu sur le continent nord-américain l’imposante exposition Humani Ex Machina à la galerie Thompson Landry de Toronto, où seront dévoilées 25 œuvres récentes de Besner.
Depuis quelques années, Besner s’intéresse également à l’écriture, au vitrail, à la gravure et à la sculpture. Son minuscule quoique chaleureux atelier du Plateau-Mont-Royal a récemment été troqué contre un bel espace aéré d’un quartier industriel de Montréal. Ainsi se termine le face à face obligé avec l’objet d’étude dû à une surface restreinte de création; sa cagnotte charnelle et immatérielle apprivoise peu à peu le nouveau paysage qu’il faudra baliser. Heureusement pour D. Besner, le renouveau fait partie de son modus vivendi.
Par Diane Brabant